Le FPS tendance réaliste de la fin de l'année est arrivé. Après une beta multi-joueurs impressionnante de qualité, et les diverses présentations passées, il était enfin temps de se plonger dans cette campagne solo qu'on nous présentait avec tant d'enthousiasme... Et ce qu'on retiendra surtout, c'est qu'elle est vraiment - mais vraiment - super courte.
Ca commence à devenir une habitude : les FPS qui jouent beaucoup sur la qualité de leur multijoueurs en négligent leur solo. Après la campagne de Halo 3, sympathique mais relativement courte et sans réelles surprises, Call of Duty 4 : Modern Warfare pousse le bouchon encore plus loin. Elle reste heureusement vraiment intense et kiffante à jouer...
Américanisme à fond les ballons
C'est dans un contexte fictionnel de guerre civile en Russie que le scénario de CoD4 s'enracine. Ce scénario, dont on nous a vanté les rebondissements, arguant que des talents de la série 24 heures y avaient participé, nous bringuebale entre deux forces occidentales, prêtes à défendre la liberté : les S.A.S. d'un côté, les seuls à avoir pigé que c'est de Russie que naît le bordel géopolitique ambiant, et l'armée américaine de l'autre, qui dans un véritable élan bushiste débarque pour sa part au moyen-orient pour prévenir un coup d'état. Sur le papier, le scénario Tom Clancyesque paraît intéressant... malheureusement, une fois en jeu, il passe clairement au second plan derrière l'action. Pas très mis en scène, les personnages et le scénario lui-même, ses rebondissements ou ses subtilités, manquent d'une narration mieux formalisée et, lorsqu'on s'y attarde, de corps. Les méchants paraissent bêtement méchants, les gentils bêtement soldats, bref : tout cet aspect ne supporte clairement pas aussi bien la critique que le reste du jeu lui-même. Les plus politisés des joueurs risquent aussi d'en avoir un peu marre qu'on reprenne toujours les mêmes prétextes nucléaires ridiculement simplistes pour se donner bonne conscience à shooter de l'islamiste radical ou du communiste ultra-nationaliste à la pelle... Et certaines scènes (je pense notamment à une exécution sommaire, d'une ordure terroriste certes, mais tout de même) auraient pu justifier un 18+, tant elles sont manichéennes et violentes.
Manette en mains, tout devient bien
Fort heureusement, cette alternance S.A.S. / Armée US se traduit en jeu par une succession de missions, réparties en trois actes, qui s'avèrent parfaitement maîtrisées quelle que soit leur teneur. Celles du S.A.S., plus axées infiltration et opérations secrètes, sont peut-être un peu plus faibles par endroits, tant l'IA des alliés s'avère performante pour les mener à bien sans que le joueur ait parfois à faire grand chose d'autre que de suivre le mouvement, tout du moins au début (et en difficulté moyenne). Mais c'est pour chipoter, le trip est là, notamment grâce à des animations particulièrement réussies, témoignage permanent de l'intérêt des conseillers militaires sur un tel projet. Les attitudes, déplacements, signes de main et voix installent un réalisme supplémentaire indéniable, secondant à merveille un travail de level design et une direction artistique tout aussi réussis. Mais c'est à mon sens quand on passe aux missions de l'armée de terre que CoD4 fait preuve de sa véritable maestria, sur le plan technique notamment. Black Hawk Dawn à la maison, voilà à quoi s'attendre sur ces passages. Ca pète dans tous les sens, les accalmies se comptent sur les doigts d'une main de lépreux, et qu'il s'agisse de tenir sous le feu nourri de l'ennemi en protégeant l'avancée d'un char, ou d'attaquer un village en Azerbaïdjan, on en prend plein la gueule et c'est le pied. Certains pourront reprocher l'immortalité des personnages principaux du squad, ou même le fait qu'on puisse récupérer en quelques secondes d'une rafale dans le buffet, mais c'est la volonté des jeux actuels - et le sacrifice à consentir dans ce genre de FPS Hollywoodien.
Court, mais intense
On l'aura compris, d'un bout à l'autre de cette campagne solo, les missions parviennent à varier les plaisirs, certaines laissant un souvenir impérissable comme celle de l'assassinat à Prypiat, en Ukraine. En binôme avec un autre sniper, on se faufile en plein territoire ennemi au nez et à la barbe de troupes patrouillant cette ville fantôme, abandonnée après l'accident de Tchernobyl en 86. On pourra encore citer des passages en temps limité, toujours un bon moyen de monter la pression d'un cran, des survols en hélico ou des fuites épiques en camion. En dehors d'un niveau très particulier en vol, où l'on offre une couverture aérienne aux S.A.S. progressant au sol - et qui n'est rien moins qu'un shoot sur rails manquant un peu d'intérêt ludique (mais néanmoins amusant et particulièrement bien représenté visuellement) - tout le reste respire le travail acharné des équipes d'Infinity Ward. Elles nous livrent une mise en scène en jeu toujours très scriptée, comme le reste de la série, mais qui laisse néanmoins beaucoup de place à l'initiative personnelle, grâce à des environnements assez larges. La construction des missions et des niveaux permet d'oublier la linéarité de l'ensemble. Malheureusement, un joueur moyen n'aura pas besoin de beaucoup plus de 5 heures pour parvenir au générique de fin... et on reste immanquablement sur sa faim. D'ailleurs, ne coupez pas la console avant la fin du générique... une petite mission bonus vous attend après l'écran noir. Alors, une fois fini, un mode arcade se débloque pour refaire le jeu en temps limité, et la difficulté vétéran cache l'essentiel des succès à débloquer... mais ça ne suffit pas. C'est dommage, cette campagne étant aussi habilement réussie visuellement que du point de vue sonore, de la bande-son (on n'en attendait pas moins de Harry Gregson-Williams) aux bruitages, irréprochables.
La tendance lourde
Fort heureusement, ce mode solo honteusement court est secondé par l'un des tous meilleurs multi du genre. On s'en doutait déjà grâce aux impressions glanées lors de la beta multi-joueurs ; le système de progression, la qualité de l'ergonomie (tout aussi valable en solo, évidemment), la nervosité des affrontements et l'excellence visuelle de l'ensemble font de CoD4 un des FPS multi majeurs de cette fin d'année, aux côtés de Team Fortress 2 et Halo 3. Chacun de ces trois titres a su occuper un segment particulier, et pour CoD4, c'est celui des fusillades expéditives, des sprints endiablés de couverture en couverture, toujours sur la brèche, toujours en mouvement. Les trois cartes de la beta, fabuleuses, sont rejointes par 12 autres tout aussi réussies, adaptées pour des groupes de joueurs plus ou moins importants. Pour ceux qui cherchent avant tout de l'efficace et du nerveux, où les frags sont expédiés en une balle dans la tête, inutile d'aller voir ailleurs. Mais si cette réussite indéniable est la bienvenue pour tous ceux qui ont des heures à consacrer au online afin de déboquer toutes les possibilités et d'en profiter pleinement, il est tout aussi clair que pour tous ceux qui ne sont pas des acharnés du frag en ligne, CoD4 solo est bien trop court pour justifier son prix. Et ce, même si les missions solo sont réussies. Vous voilà donc prévenus : si vous l'attendiez pour sa campagne uniquement, que vous n'êtes pas un fana de FPS en ligne pur, dur, et sans concession, mieux vaut garder vos sous pour quelque chose de plus consistant... ou changer vos habitudes.